Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

26 mai 2006 5 26 /05 /mai /2006 17:00
A/ Catégories de travailleurs, de 1940 à 1944.
La W.O.L. emploie
    • 3000 à 4000 travailleurs étrangers , hommes et femmes , belges , luxembourgeois , polonais, tchèques.

    • 3500 Prisonniers de guerre en congé de captivité, vivant librement dans les villages , communément surnommés « prisonniers libres »…(nous avons vu qu’ils avaient parfois leur famille).

    • 4000 prisonniers Nord-Africains, sur les 4500 que compte le Frontstalag 204 des Ardennes.

On trouve à leur sujet aux A.D. un document stupéfiant(12 R 99 100) :

Le 16/9/1941, une instruction est donnée à la W.O.L. et aux différents Lager et Stalag afin que soit respectée la liberté religieuse des musulmans .Après un rappel des prescriptions religieuses rituelles , ordre est donnée de réduire la durée du travail à 6h par jour durant tout le Ramadan et de donner congé les jours de fête du Baïram.

    • 5000 civils français, en majorité cultivateurs dépossédés de leurs terres .


Par ailleurs , sur les 20 000 Polonais qui arrivent au printemps 1943 ,déportés de Pologne pour être répartis dans divers départements et remplacer les Nord-Africains ,un train entier (3500) entre en gare de Sedan, après un voyage de plusieurs jours sans nourriture , ni aide. Les témoins de leur arrivée en gardent une vision d’épouvante . Mr René Posta, agriculteur retraité , fils de cultivateur à Malmy : « On a été les chercher au train à Sedan , les Polonais , parce qu’on avait des chevaux , nous. Moi j’ai vu les wagons s’ouvrir !…Oh , là, là … (Silence ) Y avait ça de fumier dedans ,(70 cm) ils étaient maigres ,sales , ils crevaient de faim ,et y avait des gosses ! ils étaient peut-être depuis 8 jours là-dedans . On leur a donné du lait , aux gosses , après , mais un tout petit peu , tout doucement , pour ne pas qu’ils soient malades. »

Un second groupe de 7000 , dont 5300 femmes et enfants , arrive en Août 1943.

Ces déportés ne font pas l’objet de la présente étude pour deux raisons  , qui ont guidé notre choix :

-l’étendue du sujet : il nécessite une étude à part.

-sa notoriété : si le cas des travailleurs Juifs est ignoré du plus grand nombre, celui des Polonais est connu , et sa mémoire a été réactivée depuis une vingtaine d’années par les arrivées régulières dans les mairies ardennaises de demandes d’attestation de présence , aux fins d’établir les droits au dédommagement (retraite et déportation).


B/ Les travailleurs juifs.

Ils ne sont « que » 339 dans un recensement d’Octobre 1943. En réalité , 683 personnes au total (connues à ce jour ) , avec les femmes et les enfants, ont été concernées .Il s’agit de Juifs étrangers de Paris et de banlieue , immigrés de l’Europe de l’Est en France ,depuis la fin du 19ème siècle , suite à différents évènements : pogroms ,bouleversements de frontières suite à la guerre de 14, puis montée du nazisme.

On remarque des naissances en France essentiellement à partir de 1920, en plus grand nombre après 1930.

Notre exposé ne va présenter que quelques exemples des innombrables faits les concernant.
Notre but initial était la création du fichier-il ne sera jamais exhaustif- comportant notamment les renseignements que les familles réclament toujours : lieux d’affectation, mouvements entre communes, dates , renseignements divers lorsqu’ils existent : quelques mots paraissant dérisoires mais qui sont des informations capitales pour ces familles .Nombre d’entre elles ignorent absolument tout de cet épisode ardennais de la vie de leurs ancêtres disparus, tant cette « expérience »   est inconnue du plus grand nombre , y compris , répétons-le, des chercheurs et historiens locaux.

Il nous est vite apparu qu’un éclairage du cadre historique de ces faits uniques en France était indispensable. Nous avons tenté de rester concis. Il convient , pour approfondissement , de se reporter à la bibliographie et notamment , concernant la W.O.L. et l’Ostland , à Jacques Mièvre et Pierre Aubert.


  • Origine géographique, professions.

Ils sont tous originaires des arrondissements populaires de Paris , notamment le 20ème ,le 11ème le 4ème et de la banlieue Nord et Est. Nous avons pu relever les professions :

-Habillement : tailleur, tricoteur, tondeur (de drap), couturière, finisseuse (de costumes) ,ravaudeur, découpeuse, coupeur (de costumes ou de casquettes), chapelier , modiste ,brocanteur d’habits , culottier militaire ,casquettier, teinturier , mécanicien (sur machines à coudre), colleur d'imperméables, repasseur , ramasseur de chutes de laine .

-Cuir : cordonnier, bottier , maroquinier , mécanicien de maroquinerie , piqueur de tige (de botte), gantier ,coupeur (de chaussures , de gants ) tanneur , fourreur ,sellier,malletier.

-Autres : commerçant , vendeuse , représentant , boucher , épicier, crémier ,boulanger , coiffeur, livreur , garçon de magasin, garçon de café ,fille de salle , bonne à tout faire , ménagère , saute-ruisseau (garçon de courses) ,marchand ambulant , colporteur ,emballeur ,manutentionnaire, imprimeur , brocheur, brosseur , vernisseur , menuisier ,tourneur sur bois ,colleur , tapissier , peintre , électricien, maçon ,terrassier , plombier , forgeron , métallurgiste , grillageur ,soudeur , tourneur sur métaux , polisseur , tôlier , ingénieur ,manoeuvre chez Renault , mécanicien auto , chauffeur poids lourds , cantinière , bonne , cuisinier, chauffeur ,dessinateur, cantatrice , artiste , danseur , sténotypiste , dentiste , pharmacien , avocat ;comptable, radio , étudiant, cadre de jeunesse.

Trois médecins exercent  : le Dr Biezynski (Chémery ,19-1-42 et Remaucourt 1-1-43), Dr Pisam Octave (Frénois 1/1/43 et 1/1/44) Dr Rennert Bernard (Frénois , insignes, non daté et Archives Communales.).

Une assitante sociale :Lotte Besas ,à Frénois ,dentiste de profession.

Les cantinières sont recrutées pour l’organisation par groupes dans les Ardennes .

La majorité des personnes travaille dans l'habillement et le cuir. La profession la plus représentée est celle de tailleur.

Il semble que dans le Rethélois , les personnes juives sont d’origine sociale homogène : dentiste , pharmacien , médecin , avocat , cantatrice…La plupart sont des Hongrois .

Mme Dereims (Remaucourt) dit :  « Les Juifs , c’étaient des gens de la haute classe. Il y avait beaucoup de docteurs ,de dentistes … Il y avait Mme Rona , elle chantait de l’opéra , elle avait une belle voix, elle aimait les oiseaux et elle parlait bien , elle disait : il y a des serins dans la nature ! »

Marcel Croizon , mécanicien à la Wol à Remaucourt : « On voyait bien la condition de ces gens-là, ils n’étaient pas faits pour travailler comme ouvriers , c’étaient des gens de très bonne éducation. Et puis se retrouver comme ça à ramasser des pommes de terre ! Les chevilles ensanglantées , vous savez quand on passe dans les champs de blé coupé... ah , là , là … »


  • Nationalités.

Ils sont en majorité Polonais, ce qui génère souvent la confusion avec les déportés polonais de 1943.

Polonais : 271
Aucune mention de nationalité : 195
Français : 45 dont 43 enfants .
Hongrois : 38
Apatride 1, et de nationalité dite indéterminée :32
Roumains:34
Russes : 28 ,dont 1 citoyen soviétique
Autrichiens :8
Allemands : 6 Sarrois : 2
Tchécoslovaques : 8
Turcs : 5
Algériens : 3
Grecs ,Hellène: 3
Marocain: 1
Bulgare : 1
Espagnol : 1
Lithuanien :1
Letton : 1

TOTAL : 17 nationalités

Ceux qui sont déclarés français sont des enfants nés après 1920 , devenus français par déclaration : on note que dans les listes ils sont souvent déclarés français suivi d’un point d’interrogation.


  • Mesures anti-juives, retrait de nationalité.

Les fonctionnaires , en effet , ne savent plus très bien si ces personnes sont françaises . Il faut rappeler brièvement les mesures anti-juives qui les ont placés dans une situation administrative et économique insoutenable.

Après l’ordre allemand de recensement des Juifs du 27 septembre 1940,c’est la loi de Vichy du 3 Octobre 1940 , leur interdisant tout exercice des fonctions publiques. Divers décrets et ordonnances font passer de la notion de religion à celle de RACE , terme inscrit dans les lois, telle l’ordonnance du 26 Avril 1941 :  «Est considérée comme juive toute personne qui a au moins trois grands-parents de pure race juive. Est considérée « ipso jure » comme de « pure race juive un grand-parent ayant appartenu à la communauté religieuse juive. »

Viennent ensuite de nouvelles interdictions professionnelles , la création du Commissariat Général aux Questions juives , la nomination des administrateurs des biens juifs saisis, des interdictions multiples,outre celle de travailler (fréquenter les marchés , les Postes et Téléphones , les piscines , les musées , les théâtres , les squares …etc , posséder une T.S.F. etc…)

Une mesure intéresse plus particulièrement les personnes concernées par notre étude , à propos de la nationalité , puisque des différences de traitement existent , au début de l’occupation , entre Juifs français et Juifs étrangers, compris dans les « étrangers en surnombre dans l’économie nationale ».

On pouvait être français par naissance , par naturalisation ou par déclaration . Cette dernière concerne les enfants d’étrangers nés en France. C’est le cas de Mme Tarradou, seule survivante résidant aujourd’hui dans le département :  « Mon père a fait une demande pour moi , j’ai été naturalisée à l’âge de trois mois ».

Ce sont les retraits de nationalité sous Vichy qui expliquent que l’on trouve dans les archives les mentions « nationalité indéterminée », signifiant apatride, pour des adultes, et « Française, suivi d’un point d’interrogation » , pour des mineurs .

Il ne s’agit là que d’un faible aperçu des mesures anti-juives , que l’on peut retrouver dans « Le Calendrier de la persécution des Juifs en France » de S. Klarsfeld.

Citons au sujet de la nationalité le témoignage de Mr Abelanski , rencontré à Puilly le 18 Janvier 2004 .Ce jour-là ,lors d’une cérémonie importante , en présence de nombreuses autorités, une plaque portant les noms des travailleurs Juifs raflés à Puilly le 4/1/1944 était inaugurée.

« Sur la plaque, Esther et Sonia Abelanski sont mes sœurs et Rachel , ma mère , née Eisenberg. Quatre Eisenberg suivent :David , mon oncle ,Golda , ma tante, Rachel et

Monique , mes cousines. Puis Terrasfeld Joseph , on l’appelait Georges , est mon frère, en réalité mon demi-frère , qui nous a élevés , son père est mort en 14.

Il était Anglais jusqu’en 41. Il s’est engagé dans la légion pour devenir Français. Donc , ça lui a valu la déportation , quand ils ont déporté à la fin les naturalisés, parce que sinon , ils ne déportaient pas les Anglais … »

Notons que Joseph Terrasfeld est déclaré... Polonais dans la liste nominative des travailleurs israélites à Puilly le 1er janvier 1943 .

D’autres cas de nationalités successives différentes mentionnées pour la même personnes sont relevés.

Les Juifs étrangers sont nombreux à Paris .Leurs demandes de naturalisation sont rejetées , avec par exemple le motif  :  « Aucun intérêt au point de vue national ». Ceci est le titre d’un livre publié par Gilbert Michlin , fils de Moïse Michlin , travailleur forcé à Bulson de Mars 1942 au 4 Janvier 1944.( Albin Michel 2004).

Mme Tarradou , dont la mère était au Radois dit : «  Mon père a fait une demande de naturalisation dans les années 30, elle a été rejetée. »

La première rafle de Juifs étrangers a lieu le 14 mai 1941 : 3710 hommes ,parmi lesquels 3430 Polonais ,157 Tchèques et 123 Apatrides , internés à Pithiviers et Beaune-la-Rolande .


  • Recrutement , rôle de l’UGIF.

L'idée d'embaucher les Juifs étrangers dans l'agriculture vient de Jacques Helbronner, président du Consistoire Central ,qui , le 21 Avril 1941, propose à Xavier Vallat que « Vu la déficience de la main-d'oeuvre agricole en France , les étrangers israélites actuellement au chômage ou internés dans les camps soient utilisés au maximum de leur capacité. »

Son idée est de leur permettre d'échapper à la misère à laquelle les condamne les ordonnances anti-juives .Il pense aussi contrer le reproche fait aux Juifs :« être incapables de travailler la terre » en allant dans le sens de la politique pétainiste du retour à la terre.

Le chef du service des affaires juives de la Gestapo , Dannecker, réclame alors 6000 travailleurs pour l'Ostland en août 1941 : On atteindra au final guère plus de 10 % de ce nombre.


Le 29 Novembre 1941, « Art. 1er.Il est institué , auprès du Commissariat Général aux Questions Juives , une Union Générale des Israélites de France. Cette union a pour objet d’assurer la représentation des Juifs auprès des pouvoirs publics , notamment pour les questions d’assistance , de prévoyance , et de reclassement social . Elle remplit les tâches qui lui sont confiées dans ce domaine par le gouvernement. »

L'UGIF regroupe par force toutes les organisations juives dissoutes .

On lit dans « Le Calendrier » de Serge Klarsfeld , un extrait du journal de Raymond-Raoul Lambert, dirigeant de l’U.G.I.F. qui périra à Auschwitz avec sa femme et ses 4 enfants :

« Xavier Vallat m’a téléphoné dimanche chez moi . Le décret qui crée une Union Générale des Israélites de France, groupement racial distinct du Consistoire , doit paraître aujourd’hui. Je sais les noms des 9 du conseil pour la zone libre , dont je suis ,j’ai réussi à obtenir que les noms ne paraissent pas encore à l’Officiel et je revois Vallat vendredi à Vichy. Le choix est bon puisque ce sont les dirigeants d’Oeuvres les plus qualifiés . Mais le décret est terrible . On l’a accompagné à la radio de commentaires faits pour nous mortifier .Pourrons-nous accepter d’être les exécutants du pouvoir ? Pourrons-nous refuser , avec toutes les conséquences personnelles que cela pourra comporter pour nous ? Il y a un cas de conscience .Quelle que soit l’issue de la guerre , la fonction de secrétaire général que tous m’attribuent déjà sera lourde , très lourde…Je répondrai à l’appel selon ma conscience. Mais je crois que nous ne pouvons accepter de représenter les Juifs de France pour autre chose que pour les questions sociales et philanthropiques, que nous ne pouvons ,nous-même, taxer nos coreligionnaires , que nous ne pourrons disposer nous-même des fonds saisis chez les nôtres et que dans tous les cas , notre travail technique ne doit pas signifier que nous acceptons le principe des lois d’exception. »

Ce passage contient toute la problématique du rôle de l’U.G.I.F., avant même sa mise en place , rôle qui a fait l’objet de nombreuses controverses et polémiques.

Tenons-nous en aux faits concernant les travailleurs agricoles .

En Octobre 1941, un mois avant la création de l’U.G.I.F., le journal « Informations Juives » publie l’appel suivant émanant du comité de coordination des œuvres de bienfaisance juives :

« Juifs sans travail de 18 à 45 ans ! On vous offre de travailler dans l’agriculture dans les conditions suivantes :
-dans les fermes aux environs de Sedan ;
-salaire minimum de trente francs par jour ,équivalent aux salaires de la région ;
-bonne nourriture contre-remboursement de 14 F par jour ;
-cuisine , lessivage , raccommodage assuré par des femmes ;
-service médical par des médecins accompagnant les travailleurs ;
-les familles de ceux qui partiront seront particulièrement suivies et assistées par le Comité de coordination ;
-ce travail vous assure une vie tranquille.

Hâtez-vous de vous inscrire pour le prochain départ et engagez-vous nombreux… »

Un mois plus tard l’U.G.I.F. est créé , regroupant les Œuvres , et hérite du projet .

Bien que misérables car frappés de nombreuses interdictions , dont celle d’exercer leurs métiers ,et d'obligations de contôle dangereuses (arrestations) les Juifs étrangers , les plus nombreux dans la capitale, ne s’engagent pas dans l’agriculture.


L’U.G.I.F. pratique alors la relance, y compris à domicile, pour obtenir un nombre suffisant d’engagements. Ceux-ci se font à son siège , rue de Téhéran. On engage des personnes âgées, des infirmes,–on trouve une aveugle dans les listes- et des femmes avec enfants.


Nous tenons à préciser que notre but n'est ni d'écrire l'histoire de l'UGIF , ni de la juger , car nous n'avons exploré qu'une infime partie des archives qui la concerne.

D'autre part ,si les sources ci-après démontrent quel homme a été Léon Eskenasy , et le rôle qu'il a tenu activement , avec un zèle constant , aucun document ne nous autorise à le confondre avec l'organisation toute entière .


Léon Eskenasy est Juif , maîtrisant bien le français , malgré une orthographe incomplète , l’allemand. et le yiddish.

. Il est coiffeur de métier. Dans les Ardennes ,il ne travaille pas la terre Il fait partie du premier transport de travailleurs juifs envoyés par l'UGIF. Il a été embauché comme interprète, mais s’engage immédiatement dans un rôle beaucoup plus actif,se déclarant « chef des ouvriers agricoles Juifs de la WOL Sedan » comme l’attestent les nombreux documents des archives .

Il arrive donc avec le premier groupe , le 11 novembre 1941 et il est affecté à Tétaigne. Le 24 Novembre 1941, il écrit (en allemand) au Kreisleiter de Sedan ,Schulze-Berge, la lettre suivante :

« Très honoré Kreisleiter , suite à une information transmise par Herr Selser , chef de culture à Tétaigne, pour une décision concernant Mme X... , je vous transmets ce qui suit : dans l’intérêt de la communauté et pour la tranquillité et la paix du voisinage , je me sens obligé d’éloigner cette femme d’ici. Comme la sus-nommée est à mon avis inutilisable pour un autre travail , cette solution est la meilleure . Au cas où , très honoré Kreisleiter , vous décideriez différemment , je n’y verrais pas d’objection. Je vous remercie en mon nom et en celui de mes collaborateurs . Mes respects ! Ci-joint un extrait du livret de salaire pour le temps de travail que la femme a effectué. »

Parmi une importante correspondance, dans les archives du Kreislandwirt de Sedan , on trouve plusieurs lettres , en allemand , dans lesquelles L. Eskenasy propose au Kreisleiter de rémunérer les ouvriers Juifs en fonction de leur rendement .

« Wir bitten um normaliesierung der Löhne. »

Il y joint des listes nominatives qu'il a établies par Lager ( Blanche Maison , Vaux-les-Mouzon, Blanchampagne,Tétaigne).

Exemple:
« Gruppe Blanche Maison (I)
Gute Arbeiter 45 F (suit 1 nom) 40 F (suivent 7 noms)
Mittlere Arbeiter 35 F (4 noms)
Restliche Arbeiter 30 F (3 noms)
Rottenführer (chef de groupe) 45F (mais pour celui de Blanchampagne , il propose 50 F)
Doktor : 150 F
Obmann : 120 F  (au lieu des 60F prévus)
L.Eskenasy,Obmann , est affecté à Frénois , village limitophe de Sedan., le 20 Février 1942.




D'autres courriers sont conservés aux Archives Départementales ,permettant de saisir l'activité de Léon Eskenasy :

Lettre du « 24 septembre 1942 .U.G.I.F. 19, rue de Téhéran , Paris 8ème

Monsieur le Préfet des Ardennes,(…) j’ai l’honneur de vous accuser réception de la liste nominative des Juifs résidant dans votre département , telle qu’elle vous a été demandée par le Commissariat Général aux Questions Juives . Avec mes remerciements… » (non signé)

Cette lettre fait suite à celle du Commissariat Général aux Questions Juives du 27 Août 1942 qui demande au Préfet « en vue de procéder à la répartition , entre tous les israélites redevables , de l’amende d’un milliard imposée le 14 décembre 1941 (…) d’aider dans sa mission l’U.G.IF. en lui adressant directement (…) un relevé in extenso des fichiers de recensement de tous les Juifs de votre département .J’attacherais du prix à obtenir très rapidement les renseignements demandés …(non signé) »

Il semble que la lenteur administrative ait été une des tactiques préfectorales de résistance , car on trouve souvent ce genre de rappel à l'ordre , concernant le manque de célérité à répondre .

Malgré cela , la préfecture tient à ignorer les offres de service de Léon Eskenasy , dont voici un exemple , concernant la même question:

« Frénois , le 11 VIII 1942. Monsieur le préfet des Ardennes , j’ai l’honneur de vous anoncer que j’ai fait tout mon possible, pour vous envoyer les renseignements demandés par vous. Nous avons eu dernierement 4 convois pour lesquelles je suis obligé fair fair des fiches de renseignement. J’attand une autre quantité des imprimés de Paris. Aussitôt que j’aurai les fiches ensemble , je vous les enverrais immédiatement. Veuillez agréer… signé Léon Eskenasy»

La Préfecture retourne la lettre avec cette mention notée au bas  : « Transmis à Mr le maire de Frénois en le priant de bien vouloir faire savoir à quel service de la Préfecture la lettre ci-dessus est destinée. Mézières le 13 Août 1942. »

C'est un exemple caractéristique de la résistance administrative, que l'on trouve dans divers documents , notamment un courrier retourné par un maire qui a annoté en rouge :  « je ne comprends pas l’allemand. »

Evoquons au passage Mr de Foville, sous-préfet de Sedan, dont Jacques Rousseau ,résistant ,dit : « les gens étaient patriotes , je recrutais .Je lui ai demandé d’aider la résistance , au péril de sa vie, ce qu’il a fait . »

Léon Eskenasy écrit le 8 Juin 1942. « Mr le Prefect de Police des Ardennes !

Etant comme chef des ouvriers agricoles juifs de la Region de Sedan , j’ai reçu l’ordre des autorités allemandes de fair le necessaire pour leurs fournire les insignes (etoile jaune) qu’ils doivens porter à partir du 7 Juin 1942, les Juifs de zone occupée. Je m’adresse à vous Monsieur le Prefect en vous priends de bien vouloir m’envoyer les dits insignes pour 125 travailleurs . Veuillez … »

Suivent deux tampons :
-L.J. Eskenasy Obmann der Jüd. Landarbeiter des W.O.L. III bei Kreislandwirt Sedan sitz Frénois.
-L.J. Eskenasy Obmann adjoint aux Ouvriers Agricoles Juifs de la W.O.L. III Sedan siège Frénois.

On retrouve les marques de ces tampons sur de nombreux autres courriers signés Eskenasy

Dans le ressort du Kreislandwirt de Rethel , concerné de façon numériquement moins importante, Léon Eskenasy avait un homologue, Léo Spitzer « Obmann » lui aussi , recensé le 1-1-1943 dans la liste à Seraincourt (Le Radois) dans l'emploi d’interprète. Il était avocat avant-guerre. Léo Spitzer n'a laissé aucune trace d'une activité autre que celle d'interprète. Il a été raflé le 4/1/1944 et a été déporté dans le convoi 66 du 20 Janvier 1944.

A propos de la remise des « insignes » (étoiles jaunes ) on trouve les instructions allemandes de les remettre même à ceux qui ne peuvent ni les payer, ni fournir de points textiles .

C’est pourquoi on trouve les listes de remise des insignes établies par L.Eskenasy, par communes ,avec une colonne « point » où figure très souvent , en face du nom du récipiendaire « non » suivi parfois de sa signature , qui est tout ce qui reste de lui.

Un autre renseignement important concernant l’U.G.I.F. a été fourni par Mme Tarradou , arrivée avec sa mère le 13 Mars 1943. La mère travaille au Radois , la fillette est en nourrice à 2km de là , à Forest , car il n’y a pas d’école au Radois . Une lettre de l’U.G.I.F. signée Toni Stern (responsable du service Ardennes), en réponse à une demande de Mme Jarjembski adressée à Juliette Stern , (directrice du service social), lui précise que le secours mensuel pour les pensions de l’enfant est de 400F au lieu de 500F précédemment.

La somme a été versée régulièrement jusqu'à la rafle , bien que réduite .

Les Juifs étrangers ayant finalement accepté de s’engager à la W.O.L. ne l’ont fait qu’en échange de la garantie donnée par l’U.G.I.F. que leurs familles restées à Paris et leurs appartements seraient protégés, ce qui n’a pas été le cas et n’a fait que précéder la déportation de tous les Juifs sans distinction..

Mr Peltier ,de Poix-Terron résume bien cela en disant :

« C’était maquillé sous le retour à la terre. On leur a dit de signer . Ils ont bien fait de signer : c’était pas collaborer , c’était essayer de sauver sa peau. Mais il les ont fait signer , c’était pour les avoir sous la main . »

Et Mr Mennessier , au Radois : « Comme la machine à détruire n’était pas encore en pleine action , ils travaillaient en attendant . »

Les Juifs étrangers se présentent à l’U.G.I.F. en plus grand nombre à partir de 1942 quand les rafles deviennent la règle et que de meilleures nouvelles,du moins sur ce point , arrivent des familles des Ardennes .C’est la raison pour laquelle certains d’entre eux déposent des demandes de renouvellement de cartes d'identité en mairie , dans les villages des Ardennes, mais elles sont systématiquement rejetées par la Préfecture , qui leur délivre alors seulement un récépissé de demande de carte .

Mais on trouve le cas de 2 personnes qui réussissent à se faire remettre , le 2 novembre 1943 , des cartes d’identité à leur vrai nom, valables jusqu’en Septembre 1944, suite à un dossier déposé le 15 Août 1943.

Partager cet article
Repost0

commentaires