13 mars 2010
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Qui était Marie JELEN ? Sa lettre, expédiée du Veld’Hiv en Juillet 1942, adressée à « M. JELEN, Frénois, Ardennes », publiée dans Paris-Match (n°2533, mars 2010), et lue par Marie Drucker au cours de l’émission du 9 mars consacrée à la sortie du film La rafle, a intrigué nombre d’Ardennais.
Cette lettre est la première des sept qu’elle enverra à son papa, les six autres étant envoyées depuis le camp de Pithiviers (on peut les consulter ici).
Elle ne parvient pas à masquer sa détresse, au milieu des 4000 enfants restés seuls à Pithiviers après la déportation des mères, dont Estera la maman de Marie, dans des conditions inimaginables : comme l’a dit Joseph Weisman, dont l’histoire a inspiré le scénario de La rafle, le film est très en-deçà de la réalité, sinon il aurait été insoutenable.
Annette Krajcer, fille du responsable du groupe des Juifs de la WOL à Bulson, relate cet épisode, avec d’autres survivants et témoins dans Sans oublier les enfants d'Eric Conan (Le livre de poche, 2006). Au milieu des immondices et des rats, dans la désorganisation totale - Annette, 12 ans, est nommée chef de baraque et doit s’occuper des plus petits - les enfants, à peine nourris, tombent rapidement malades, en plein mois d’août, dans les baraques du camp : ils sont notamment victimes de diarrhées et restent sans soin. Certains deviennent muets, et restent prostrés.
On ignore comment Marie a pu faire sortir ses lettres de Pithiviers. On remarque que les Postes fonctionnent très bien, en pleine occupation, malgré l’existence des zones : les Ardennes sont en zone interdite : les travailleurs juifs de la WOL ont échangé une importante correspondance avec la capitale, conservée aujourd’hui au Mémorial de la Shoah. Les lettres les plus poignantes concernent précisément les demandes de nouvelles des enfants, parfois un an après leur déportation ! On avait promis aux travailleurs des Ardennes la protection des personnes et des biens.
Icek Jelen, de Frénois finit par partir à la recherche de sa fille, en 1943 : c’est ainsi qu’il échappera à la rafle des Ardennes. Il était petit et doux, avait les yeux bleus, mais un accent yiddish prononcé : il n’a jamais dit comment il avait fait pour rejoindre la Dordogne, où il a travaillé, sans se cacher, jusqu’à la libération. De retour à Paris, il comprend que ni Estera, son épouse, ni Marie ne reviendront. Il se remarie et a un fils : à la mort de son père, celui-ci découvrira les lettres de Marie dans son portefeuille et décidera de les mettre en ligne … Jusqu’à la fin de ses jours, Icek gardera son manteau et son chapeau, même à table, de peur que les Allemands n’arrivent à la porte pour une nouvelle rafle. Né à Lask en Pologne,il était ouvrier tailleur, habitait avec sa famille rue de Meaux dans le 19e arrondissement de Paris. Marie, née en cette ville, allait à l’école primaire rue Alphonse Carrel… Voici la plaque apposée dans le hall de l’école : ces plaques, posées dans les écoles ou les jardins de Paris, sont réalisées par l’AMEJD (Association pour la mémoire des enfants juifs déportés). Portant les noms des morts en déportation, elles sont le seul lieu où les familles peuvent venir se recueillir, en l’absence de sépulture et si loin des cendres dispersées sur le sol des camps ou des corps jetés dans les fosses communes.
Marie Jelen a été déportée par le convoi n° 35, parti de Pithiviers le 21 septembre 1942. Elle a été gazée à Auschwitz le 23 septembre, à quelques jours de son onzième anniversaire (elle était née le 20 octobre 1931). Son sort fut celui de 11 400 enfants de France, âgés de moins de dix-huit ans, parmi lesquels 43 sont partis de Charleville pour Auschwitz, via Drancy.
Cette lettre est la première des sept qu’elle enverra à son papa, les six autres étant envoyées depuis le camp de Pithiviers (on peut les consulter ici).
Elle ne parvient pas à masquer sa détresse, au milieu des 4000 enfants restés seuls à Pithiviers après la déportation des mères, dont Estera la maman de Marie, dans des conditions inimaginables : comme l’a dit Joseph Weisman, dont l’histoire a inspiré le scénario de La rafle, le film est très en-deçà de la réalité, sinon il aurait été insoutenable.
Annette Krajcer, fille du responsable du groupe des Juifs de la WOL à Bulson, relate cet épisode, avec d’autres survivants et témoins dans Sans oublier les enfants d'Eric Conan (Le livre de poche, 2006). Au milieu des immondices et des rats, dans la désorganisation totale - Annette, 12 ans, est nommée chef de baraque et doit s’occuper des plus petits - les enfants, à peine nourris, tombent rapidement malades, en plein mois d’août, dans les baraques du camp : ils sont notamment victimes de diarrhées et restent sans soin. Certains deviennent muets, et restent prostrés.
On ignore comment Marie a pu faire sortir ses lettres de Pithiviers. On remarque que les Postes fonctionnent très bien, en pleine occupation, malgré l’existence des zones : les Ardennes sont en zone interdite : les travailleurs juifs de la WOL ont échangé une importante correspondance avec la capitale, conservée aujourd’hui au Mémorial de la Shoah. Les lettres les plus poignantes concernent précisément les demandes de nouvelles des enfants, parfois un an après leur déportation ! On avait promis aux travailleurs des Ardennes la protection des personnes et des biens.
Icek Jelen, de Frénois finit par partir à la recherche de sa fille, en 1943 : c’est ainsi qu’il échappera à la rafle des Ardennes. Il était petit et doux, avait les yeux bleus, mais un accent yiddish prononcé : il n’a jamais dit comment il avait fait pour rejoindre la Dordogne, où il a travaillé, sans se cacher, jusqu’à la libération. De retour à Paris, il comprend que ni Estera, son épouse, ni Marie ne reviendront. Il se remarie et a un fils : à la mort de son père, celui-ci découvrira les lettres de Marie dans son portefeuille et décidera de les mettre en ligne … Jusqu’à la fin de ses jours, Icek gardera son manteau et son chapeau, même à table, de peur que les Allemands n’arrivent à la porte pour une nouvelle rafle. Né à Lask en Pologne,il était ouvrier tailleur, habitait avec sa famille rue de Meaux dans le 19e arrondissement de Paris. Marie, née en cette ville, allait à l’école primaire rue Alphonse Carrel… Voici la plaque apposée dans le hall de l’école : ces plaques, posées dans les écoles ou les jardins de Paris, sont réalisées par l’AMEJD (Association pour la mémoire des enfants juifs déportés). Portant les noms des morts en déportation, elles sont le seul lieu où les familles peuvent venir se recueillir, en l’absence de sépulture et si loin des cendres dispersées sur le sol des camps ou des corps jetés dans les fosses communes.
Marie Jelen a été déportée par le convoi n° 35, parti de Pithiviers le 21 septembre 1942. Elle a été gazée à Auschwitz le 23 septembre, à quelques jours de son onzième anniversaire (elle était née le 20 octobre 1931). Son sort fut celui de 11 400 enfants de France, âgés de moins de dix-huit ans, parmi lesquels 43 sont partis de Charleville pour Auschwitz, via Drancy.